Display Programmatique : un état des lieux préoccupant
Deux articles récemment publiés par des experts du secteur sont l’occasion de dresser un état des lieux du Programmatique.
Quelle est la spécificité du Display Programmatique par rapport au Display ‘à l’ancienne’ – c’est à dire de gré à gré avec une négociation directe entre l’annonceur et le support ?
Réponse : le ciblage (targeting). Le programmatique promet un ciblage précis, basé sur des données collectées par des intermédiaires, fournisseurs de données de plateformes programmatiques.
Dans la théorie c’est séduisant puisque plus votre cible est affinitaire avec vos produits, meilleurs seront les résultats. Dans la pratique, ça ne fonctionne que si la collecte de données de ciblage est fiable.
Or toute cette collecte est basée soit sur les cookies tiers (en voie de disparition) ou des Device IDs (tout pareil). Sale temps sur le programmatique ?
La nébuleuse des intermédiaires de ciblage
Un article très détaillé d’Augustine Fou – un chercheur en fraude au marketing digital passé par le MIT – dresse un état des lieux sans concession de la nébuleuse des intermédiaires intervenant dans la chaîne de valeur programmatique programmatique – appuyé sur des recherche académiques sérieuses – dont voici une synthèse rapide.
Le moindre site de contenu est relié à des dizaines voire des centaines d’applications publicitaires qui traquent l’internaute (et déposent des cookies). Leur objectif étant d’établir un profil détaillé de l’utilisateur pour mieux le cibler plus tard via des plateformes programmatiques.
Ces tags qui captent les données alimentent des intermédiaires de ciblage qui se rémunèrent dans la chaîne du programmatique en fournissant des données de ciblage.
Or des recherches sérieuses – dont les résultats sont proposés dans le post d’Augustine – montrent que même le ciblage le plus basique (le genre : Masculin ou Féminin) n’est fiable qu’à 42% 😮, soit moins que le ciblage aléatoire (qui est par définition fiable à 50% : soit Masculin soit Féminin).
Et quand on mixe le genre avec un autre paramètre, par exemple genre + tranche d’âge : on tombe à 12% de match -> le ciblage est erroné 9 fois sur 10.
Ces études ont été effectuées alors que 60% des cookies tiers survivent (grâce à Chrome), de même qu’une bonne partie des DeviceID (grâce à Android – toujours Google 😉). Autant dire que la pertinence du ciblage sera proche de 0 quand ces identifiants auront disparu.
Pourtant, les intermédiaires de ciblage se rémunèrent bien dans la chaîne programmatique : c’est à dire que vous annonceur, payez une partie de vos bids pour acheter de la donnée de ciblage.
Mais combien ça coute ?
C’est là qu’un second article, écrit par l’excellent Bob Hoffman, vient dresser un constat assez édifiant (teinté d’un humour bien caustique 😁) sur la ventilation des coûts dans la chaîne programmatique.
Malgré son titre provocateur (‘l’entonnoir programmatique de m***’) , le post est très documenté et les calculs qu’il propose se basent sur des ressources disponibles publiquement sur lesquelles chacun pourra se faire son opinion.
La conclusion est sans appel : 3% seulement du budget investi en programmatique est consacré à des publicités effectivement vues par des humains, comme vous et moi.
Le reste, soit 97% du budget rémunère différents intermédiaires (dont les intermédiaires de ciblage cités dans le premier article à hauteur de 27%), est absorbé par la fraude (20%) ou investi dans des pubs diffusées hors de la zone visible. (30%).
Ces articles laissent une impression assez désastreuse du secteur du Programmatique. A titre personnel, j’ai toujours été circonspect sur le Display mais là c’est une surprise. Pourtant je trouve les arguments assez convaincants car étayés par des sources publiques ou des recherches académiques sérieuses.
Même si Bob Hoffmann pousse le bouchon un peu loin sur ces 3% mais quand bien même on doublait voire triplait ce chiffre, la situation pour les annonceurs n’en serait pas radicalement changée : investir 1 € et se retrouver avec moins de 10c de pubs diffusées …
Si on accorde du crédit à ceette argumentation, la seule conclusion logique pour s’assurer d’un emploi rationnel de ses budgets Display est de revenir à des négociations directes, de gré à gré, avec des supports sérieux, affinitaires avec la cible visée et de reprendre le bon veux ciblage contextuel à l’ancienne.
Et vous qu’en pensez vous ?
Stéphane Gendrel, Fondateur d’Adloop